16.03.08

XII
(A) la vie éternelle
Amen.
1.Nous croyons à la vie éternelle, sans pouvoir nous faire une idée de ce qu'elle sera. Beaucoup sont si fatigués, si saturés de cette vie éphémère, qu'ils ne désirent qu'une chose :dormir, se laisser engloutir, ne plus être obligés de vivre. De grandes religions nous promettent que, si nous suivons leurs enseignements, nous pourrons nous libérer du « devoir-vivre ». Dans sa lente évolution sans fin, la nature est manifestement habitée d'une pulsion et d'une soif d'une vie tojours plus hautement organisée; mais, parvenue à la hauteur de la conscience, niveau auquel rien de plus élevé ne paraît plus mériter d'être visé comme objectif, la poussée se retourne et devient pulsion de mort. L'effort tout entier n'a servi de rien.
Or voici que la vie éternelle doit être l'Ultime et le Suprême de ce qu'il est permis à la foi chrétienne d'espérer : « Je suis la résurrection et la vie. » « Je suis la voie, la vérité et la vie. » « Celui qui croît en moi vivra, même s'il est mort. » Être, conscience, identité personnelle : faut-il comprendre cela comme valeur éternellement digne d'être visée comme objectif? - Oui, si l'on présuppose que nous comprenons le mot « éternel » comme « divin », car en Dieu, identité personnelle veut dire don de soi, amour, fécondité, et ce n'est qu'ainsi que Dieu est vie éternelle : comme celui qui gouverne éternellement dans le mouvement de se donner et d'être gratifié, de rendre heureux et d'être béatifié. Le pur contraire du morne ennui d'un être-pour-soi qui ne débouche sur rien. Il s'agit essentiellement d'un aller-au-delà-de-soi, avec toutes les surprises et les aventures qu'une telle sortie de soi promet.
On doit seulement éliminer de son esprit toute temporalité, qui fait infailliblement aboutir chaque voie à un but précis – et puis après? Dans l'éternel, le surgissement est toujours un « maintenant » d'actualité : maintenant j'engendre un Dieu qui est mon Fils; maintenant je vis l'indicible miracle d'être du Père et de lui devoir ce que je suis; maintenant notre amour se consomme et produit – ô miracle inespéré – l'Esprit commun de l'amour comme un troisième, comme fruit et témoin de notre amour, qu'il fait éternellement se déployer. Et parce que ce maintenant est tout entier événement, le contraire d'une stagnation, c'est le plus passionnant qui soit. Tout comme sur terre, il y a des surgissements de l'amour bien avant qu'ils se transforment en connaissance, en accoutumance, et peut-être en satiété. « La résurrection et la vie » : de même que résurrection dit tournant formidable, le tournant du vide à la plénitude, une seule fois et maintenant : de même, aussi, la vie éternelle.
2. Pour celui qui, venant de sa propre vie étroite et amortie, reçoit la possibilité d'entrer dans cette vie de Dieu, tout se passe comme si s'ouvraient pour lui , lui coupant le souffle, des espaces à perte de vue. Des espaces dans lesquels on peut se précipiter dans la liberté la plus parfaite. Et ces espaces sont eux-mêmes des libertés qui attirent notre amour, l'accueillent, lui répondent. Qui peut, déjà, ici-bas, pénétrer au fond d'une autre liberté? C'est impossible! Ainsi s'accumulent, dans la communion des saints en Dieu, au-delà de tout ce qu'on peut dénombrer, les aventures de l'amour créateur et inventif. La vie en Dieu devient miracle absolu. Rien n'est donné qui mette un terme au recevoir, l'acte du du don se déploie sans limites.
C'est pourquoi ceux qui sont au ciel sont toujours et sans cesse prêts à venir en aide à l'indigence terrestre, certainement avec des dons éternels, peut-être aussi avec des dons temporels, pour stimuler à nouveau en nous le courage de poursuivre, malgré tout, notre effort vers la vie éternelle, pour nous donner un avant-goût de ce qui nous attend. Et quand nous avons à souffrir, se trouvent creusées en nous des brèches plus profondes que celles que nous croyions receler : des profondeurs qui ensuite, dans la vie éternelle, deviennent des receptacles d'un plus grand bonheur, des sources plus abondantes encore. Des sources qui jaillissent d'elles-mêmes, gratuitement, car dans la vie éternelle, tout est gratuit.
L'expression « gratis », « sans payer », court quand il s'agit des dons de Dieu, à travers toute la Bible (Is 55,1; Si 51,25; Mt 10,8; Ap 21,6; 22,17). Ce « gratis » est la nature la plus intime de l'amour divin, qui n'a aucune autre raison que lui-même; et c'est à partir de là qu'est défini tout ce qui, dans la vie éternelle est auprès de Dieu. Et justement parce que l'amour est sans fond, il est insondable. On ne parvient jamais en son fond; il demeure plus profond que ce qui peut être fondé, « porté au concept ». C'est pourquoi Paul dit très exactement : « connaître l'amour qui surpasse toute connaissance » pour, ainsi, « entrer par votre pénitude dans toute la plénitude de Dieu » (Ep 3,19).
3. Ainsi le Credo atteint-il sa fin sans fin.Tous les énoncés particuliers s'interpénêtrent car ils étaient tous – aussi comme les faits historiques – seulement expression de la vie éternelle dans le language de la parabole qui est celui de la finitude. Tout ce qui est éphémère est seulement une parabole. Cela « ressemble » de loin, car c'est rapporté à ce qui ne passe pas et qui pourtant se fait événement. L'homme est créé « à l'image et ressemblance »; même dans la foi, il connaît dans « dans un miroir, en énigme »; mais un jour, arrivé à Dieu, « je connaîtrai comme je suis connu » (1 Co 13,12), à savoir en vertu de cet amour qui m'a conçu et connu de toute éternité.
10.03.08

XI
(A) la résurrection de la chair
1.Des puristes ont écarté le mot « chair » du Credo, comme insuffisamment décent.Ils n'ont réussi qu'à faire en sorte que maintenant, dans cette confession de vie, on parle quatre fois des morts, et une cinquième fois on dit « est mort ». Sans doute, comme nous l'avons vu, cette mort était-elle la plus haute action de la vie et de l'amour. Elle était ainsi la victoire sur les « enfers », la victoire en faveur de l'homme corporel destiné à la vie éternelle. Une âme désincarnée n'est pas un homme, et une réincarnation ne pourrait jamais nous délivrer de notre condamnation à la mort.
Mais cette espérance, insensée au regard de la corruption et du tombeau, et qui contredit toute expérience, est suspendue à un fait : la résurrection du Christ, sans laquelle toute la foi chrétienne est « vide » (1 Co 15,14). « Voyez mes mains et mes pieds; c'est bien moi! Palpez-moi et rendez-vous compte qu'un esprit n'a ni chair ni os comme vous voyez que j'en ai » (Lc 24,39). Quand ce miracle s'accomplira-t-il pour nous mortels? - Il est oiseux de spéculer sur ce point. Comment se succéderont les événements dans le temps qui est au-delà de la mort, Dieu seul le sait. Et sur le comment, Paul ne peut lui-même que que balbutier en images et en paraboles (1 Co 15,35 ss).
Il suffit que ceci nous soit attesté : dans les récits de Pâques, le Seigneur apparaît corporellement, mais non plus lié aux lois de notre temps et de notre espace, non plus soumis à son espérance matérielle : libre de se donner à reconnaître à volonté. Notre confession de foi en la résurrection de la chair tient au fil de cette attestation, mais ce fil est cependant un câble des plus solides : rien ne peut avoir été moins inventé par les hommes que ces récits. L'incroyance des disciples face au « radotage » des femmes qui veulent avoir vu le Seigneur (Lc 24,11) est totalement normale, et la finale réaliste de Marc parle d'un triple blâme de Jésus à leur endroit : « parce qu'ils n'ajoutaient pas foi à ceux qui l'avaient vu ressuscité » (Mc 16,14)
2. Il est essentiel que Jésus montre ses blessures : mains, pieds et, chez Jean (pour l'incrédule Thomas), aussi le côté. Et cela, en aucune manière seulement pour son identification (les disciples d'Emmaüs le reconnaissent autrement : à la fraction du pain), mais pour apporter la preuve que toute la souffrance terrestre est transfigurée jusque dans la splendeur de la vie éternelle. Aucune souffrance n'a été si profonde et aucune n'a eu un sens aussi définitif, que la Croix du Seigneur. En aucune manière elle ne peut être dépassée comme quelque chose de désormais révolu, de livré au simple souvenir : la douleur comme telle, toute douleur humaine, toute la souffrance du monde, apparaît ici dans son sens éternellement permanent.
Le Mystère de l'Eucharistie montre au mieux comment se déroule cette transmutation éternellement valable : « Ceci est le calice de mon sang, versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. » Il est dit « effundetur », comme futur. Mais cette effusion de sang ne se produit qu'une fois : autrefois, aujourd'hui et pour l'éternité. Autrefois, déjà dans une sorte d'intemporalité, physiquement et jusqu'au sang, en un événement qui, selon son contenu intime, demeure insurpassable, même dans la transfiguration de la vie éternelle.
Quelle espérance pour tous ceux qui souffrent sur terre, et qui, la plupart du temps, ne parviennent pas à trouver un sens à leur souffrance! Celle-ci est assumée près de Dieu, mystérieusement féconde en Dieu. Souvent, nous chrétiens, nous pensons pressentir dans la souffrance la plus cruelle, incompréhensible à nos yeux terrestres (Auschwitz), une proximité mystérieuse avec la caractère absurde et la nécessité cachée de la Croix du Christ. Mais toute la cruauté du monde n'arrive jamais à la hauteur de ce qui, sur le Golgotha, fut l'abandon de Dieu par Dieu; en cet abandon tout trouve son refuge et son abri.
3.Nous pouvons cependant avancer d'un pas. L'Écriture parle « d'un ciel nouveau et d'une terre nouvelle » (Ap 21,1). Mais ceux-ci ne seront pas une autre, une seconde création; ils seront la transformation, opérée par Dieu, de sa création une et unique. L'homme est à la vérité quelque chose comme le résultat, la somme, du monde de la création; mais ce n'est pas seulement lui qui ressuscitera; ce monde aussi, qu'il présupposait, qui était en un certain sens son arbre généalogique, se porte de toute sa dynamique interne vers l'accomplissement. L'épître aux Romains le dit expressément : toute la création gît dans les douleurs, soupire et aspire à la rédemption; elle veut être libérée « de la servitude de la corruption », du néant et de la « vanité »; elle regarde pour cette raison, vers « la liberté de la gloire des enfants de Dieu », qui déjà « possèdent les prémices de l'Esprit » : la résurrection commence à partir de l'homme, et entraine avec elle celle du monde. Il s'agit expressément de « la rédemption de notre corps » (Rm 8,23); la matérialité de la nature ne se volatisera pas en esprit, mais elle y gagnera une nouvelle, figure dégagée de la corruption.
Dieu ne crée qu'un unique monde. L'homme a perverti l'œuvre du Créateur, le Fils a racheté la vieille création par sa Croix, l'Esprit l'a sanctifiée. Cet unique monde suffira à Dieu éternellement; et, à nous-mêmes, qu'il a créés, rachetés et sanctifiés, ce Dieu suffira.
07.03.08

X
(A) la rémission des péchés
1. D'un côté, cet énoncé de foi ne nous paraît pas particulièrement important, car nous avons encore à peine encore une idée de ce qu'à proprement parler « péché » veut dire. Au plan individuel et au plan social, il existe tellement d'injustice dans le monde, que l'on se demande ce qu'une « rémission » peut y changer. D'un autre côté, cet énoncé nous apparaît presque incompréhensible : comment un crime, un forfait, paut-il être simplement effacé, comme si rien ne s'était passé? Une remise de peine serait compréhensible d'un point de vue juridique, et aussi d'un point de vue humanitaire. Mais cette radiation de toute faute, telle que les chrétiens se la représentent, manifestement à partir du Baptême ou de la Pénitence : qui pourrait imaginer cela?
Est-ce pourtant, en réalité, si difficile? A l'enfant qui n'a pas été sage, une mère ne peut-elle pardonner de telle sorte que, pour les deux, l'incident n'existe plus, se trouve englouti dans l'oubli? Quelque chose de semblable ne peut-il pas se produire aussi, par ailleurs, entre les hommes qui se réconcilient? La formule : « lui pardonner cela, je le peux assurément; mais l'oublier, non », est insensée, car elle montre que le pardon n'est pas intégral.
Le pardon humain, que nous comprenons, est indissolublement relié, dans le Pater noster, avvec notre espérance et notre demande que Dieu apure nos comptes près de lui. Non pas comme si Dieu avait besoin de notre acte de pardon humain pour nous pardonner à nous-mêmes; néanmoins, il ne peut remettre de faute si nous refusons nous-mêmes aux autres la rémission, et ne pouvons donc pas non plus , pour cette raison, la recevoir de Dieu.
La « rémission des péchés » est, à nouveau, une œuvre tri(u)nitaire de Dieu. « Père, pardonne-leur », dit le Fils sur la Croix. Et le Père pardonne parce qu'il voit à quel point le Fils pardonne à ses débiteurs, et tous les deux font au pécheur le don de l'Esprit de sainteté, l'infusant dans son cœur de glace afin qu'il se mette à fondre, et que l'amour se mette à ruisseler en lui.
2. Oui, c'est le Baptême qui est visé en première ligne, ce baptême auquel Jésus lui-même s'est soumis dans le Jourdain et lors duquel l'Esprit Saint descendit sur lui. Depuis il est à l'œuvre « pour la rémission des péchés », comme l'affirme le grand Credo. Non pas automatiquement, mais pas non plus seulement sur la base du repentir et de la volonté du bénéficiaire de commencer une nouvelle vie dans la foi, l'espérance et l'amour. Bien plutôt de telle sorte que sans cette conversion, sans cette remise de soi à Dieu, le sacrement fondé par Jésus ne produit pas son effet.
Car ainsi en va-t-il dans tous les sacrements – l'Eucharistie a déjà été nommée, et la Pénitence est quelque chose comme une réactivation du Baptême - : ce sont des actes de Dieu en faveur de l'homme quand, à ces sacrements, celui-ci s'ouvre et se confie dans la foi. Quand l'homme croit au miracle, il advient pour lui, selon les dispositions établies par le Christ et l'Église. Toujours de manière personnelle pour chaque croyant. On ne peut pas baptiser un peuple, absoudre un peuple; mais, même quand plusieurs sont ensemble, c'est toujours bien précisément celui-ci ou celui-là qui, comme la femme affectée d'un flux de sang , touche le manteau du Christ.
Dans l'Ancienne Alliance, c'est le peuple qui était le partenaire de l'alliance, se détournait de Dieu, criait vers lui dans sa misère, était gracié, puis était ramené à Dieu. Il n'y a rien de semblable quand Dieu rencontre, comme homme, chaque homme en particulier. « Que veux-tu ? » - « Seigneur que je voie ». « Simon, m'aimes-tu? » - « Tu sais que je t'aime. » - « Alors pais mes brebis! » A ce régime appartient le plein pouvoir, accordé à Pâques, de remettre les péchés avec l'autorité du Christ. Il serait impossible à quiconque de dire à un autre : je te pardonne ton meurtre, ton divorce, ton apostasie. Même si l'Église permet à tous de conférer le baptême en cas de nécessité, ce n'est toutefois que parce qu'elle a reçu du Seigneur l'autorité de lier et de délier en son nom.
3. Sans remettre en cause ce qui a été dit, le pardon est cependant demandé à chaque croyant. Ce n'est qu'après réconciliation mutuelle, que la célébration du culte chrétien est permise (Mt 5,23s; Mc 11,25). Par le sacrifice du Christ, Dieu le Père a voulu faire se réaliser sa réconciliation avec le monde, et cela de telle manière que (entre lui-même et le Fils qui l'aime, dans l'Esprit qui participe à tous les deux), il refait intra-trinitairement sa place à l'aspect de justice qui est présent dans tout amour).
Pour cette raison, il veut aussi qu'entre croyants l'offensé prenne l'iniative de la réconciliation (« si là tu te souviens d'un grief que ton frère a contre toi, va d'abord te réconcilier avec lui »). C'est seulement comme réconciliés que nous sommes membres du Christ. C'est pourquoi l'Apôtre demande que « les forts portent les faiblesses de ceux qui n'ont pas cette force » (Ro 15,1), sachant qu'il est peut-être plus difficile à Dieu de supporter notre sentiment de supériorité, que les manquements des faibles.
Comme chrétiens nous ne vivons plus seulement les uns à côté des autres; mais, puisque nous sommes incorporés au Christ, nous vivons aussi de quelque manière les uns dans les autres, et, à vrai dire, pas seulement avec un groupe, pas seulement avec une communauté ou une Église, mais avec tous ceux pour qui le Christ s'est livré en expiation pour la rémission des péchés. Personne n'est ici exclu. Et c'est pourquoi le chrétien ne connaît pas le mot « ennemi ».
04.03.08

IX
(A) la sainte Eglise catholique,
(à) la communion des saints
1.La confession du Père, du Fils et de l'Esprit est achevée. Ce qui fait encore suite, est la confession de l'œuvre de salut des trois personnes divines. C'est la raison pour laquelle disparaît , à partir de maintenant, le petit mot « en » (en latin « in », au sens de : se donner dans la foi au Père, au Fils et à l'Esprit). Ce que nous reconnaissons maintenant dans la foi en ce Dieu, c'est beaucoup plus ce que, par grâce, il a fait pour nous!
Son premier don est l'Église. Qu'elle existe et qu'elle est connue, est présupposé : le croyant individuel, qui dit « je crois » (non pas « nous croyons »), le fait à l'intérieur de cette sainte communion. Ce qu'elle est demeure, car elle est œuvre du Dieu tri(u)nitaire, mystérieuse à bien des égards. « Ecclesia » veut dire « Appelée », et le commencement de cet appel fut l'élection d'Israël pour être un « peuple saint et sacerdotal » dont la plus haute fleur devint mère du Fils fait homme; au pied de la Croix, celui-ci donne à son tour cette mère comme archétype à son nouvel « Israël de Dieu » (Ga 6,16). L'Esprit de la Pentecôte achève l'œuvre, et donne aux membres de la communauté ecclésiale de mettre en application dans le monde entier l'ordre de mission du Christ.
Gardant ses racines en Israël, élevée par le Fils dans son Eucharistie à la dignité d'être corporellement son épouse, et rendue par l'Esprit capable d'une digne réponse, l'Eglise est de part en part une œuvre organique, et qui porte la création à son accomplissement, du Dieu tri(u)nitaire.
2.« Sainte », l'Église l'est par la sanctification de l'Esprit qui, dans le deuxième article, descendait déjà sur la Vierge immaculée. Et c'est bien pour cette raison que c'est avant tout à cause d'elle, que l'Église peut être dite « Immaculata » (Ep 5,27). « Catholique », elle l'est parce que, recelant en elle-même le Mystère de toute la vivante vérité de Dieu, elle est appelée, par sa mission dans le monde entier, à le communiquer à tout ce qui est créé. En aucune manière elle n'est une « sainte » enclave dans un monde profane et sans Dieu. Elle est le mouvement initié par Dieu pour communiquer à « toutes les nations » (Mt 28,18-20) le salut accompli – don de Dieu que nous pouvons faire nôtre – dans l'Esprit et le Destin de Jésus-Christ, dans sa « toute-puissance » et sa présence (« pour toujours, jusqu'à la fin du monde »).
Communiquer est plus qu'enseigner (« leur apprenant à observer »); c'est entraîner dans la puissance sanctifiante de Dieu (« les baptisant ») et, ainsi, dans l'obligation de vivre d'une manière qui corresponde à ce don de grâce. Une telle tâche, même quand on est équipé de « l'armure de Dieu » (Ep 6,11), fera entrer dans un processus constamment dramatique (« comme les brebis au milieu des loups »). Le Christ le prévoit bien, et il le dit aux siens (« pour qu'une fois cette heure venue, vous vous rappeliez que je vous l'ai dit », Jn 16,4). L'Apocalypse décrit avec un réalisme implacable la bataille qui court, ainsi, à travers l'histoire du monde. Déjà les Actes des Apôtres et la vie de Paul sont un témoignage unique de ce que la mission catholique de l'Église ne s'avère toujours victorieuse que dans la persécution, l'échec et le martyre : « [Sur la croix,] j'ai vaincu le monde » (Jn 16,33).
3. L'Église est « communion des saints ». L'expression désigne d'abord les « choses saintes », ainsi avant tout l'Eucharistie, autour de laquelle se rassemble l'Église, pour son salut et pour sa mission catholique. Mais précisément pour cette raison, le passage à la « communion des personnes saintes » est ici la conséquence immédiate.Et, à partir des deux, nous avons un regard sur l'insondable mystère : parce que Jésus « est mort pour tous », personne ne peut plus vivre ou mourir pour soi seul (2 Co 5,14 s); mais, dans une renonciation de chacun à lui-même par amour, ce qu'il a de bien appartient à tous. Il en résulte entre tous les membres du corps ecclésial du Christ un échange général et une circulation de sang qui sont sans fin. Et, précisément, ces membres qui sont désignés comme « saints » au sens fort, sont comme des chambres au trésor ouvertes et accessibles à tous, comme des sources vives auxquelles chacun peut boire. Rien dans la communion des saints n'est privé, bien que tout soit personnel. Mais sont « personnes », au sens chrétien justement, ceux qui, à la suite de la personne divino-humaine de Jésus, « ne vivent plus pour eux-mêmes », et ne meurent pas, non plus, pour eux-mêmes.
C'est ici seulement que la mission catholique et apostolique de la catholica devient visible dans sa nature dernière : dans la prière, le don de soi, le sacrifice et l'acte de se livrer à la mort pour les frères, elle anticipe déjà ce qu'elle leur apporte dans le travail extérieur de la mission. Preuve : la petite Thérèse comme patronne de toutes les missions.
01.03.08

VIII
Je crois en l'Esprit Saint
1. De tout temps la chrétienté a cru à l'Esprit Saint et à sa divinité. Les énoncés qui concernent l'Esprit dans les discours d'adieu johanniques disent déjà sur lui le plus profond qui puisse être dit; dans les Synoptiques, « l'Esprit de Dieu » (Mt 12,28); est envoyé du ciel sur Jésus (Mc 1,10), qui lui-même « baptisera dans l'Esprit Saint et le feu » (Lc 3,16); l'Esprit du Père inspirera les témoins du Christ devant les tribunaux (Mt 10,20). La formule trinitaire du baptême (Mt 28,19) excluait tout doute pour la foi et la liturgie de la primitive Église.
Mais , en raison de la crise arienne, la théologie dut une nouvelle fois regagner consciemment la cause de la divinité de l'Esprit Saint. Auparavant, dans des écrits longuement réfléchis et qui ouvraient de nouvelles voies à la pensée, Athanase et après lui Basile, sans désigner directement l'Esprit comme Dieu, ont argumenté à partir du fait que son activité dans le monde pour y faire naître et croître la foi ecclésiale, n'est compr éhensible qu'en raison de sa divinité. Et peu après, au premier concile de Constantinople, fut mise au point la définition dont l'autorité fut définitivement reconnue par celui de Chalcédoine.
Le plus mystérieux en Dieu - « Tu entends sa voix mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va » (Jn 3,8) _, peut certes faire l'objet d'un énoncé établissement son existence, mais il ne peut pas être enserré dans des concepts figés.Il est significatif que, sur ce mystère la querelle entre l'Église orirntale et Église occidentale ne s'est jamais apaisée.
2. Que l'Esprit Saint est Dieu, c'est ce que dit en latin le petit mot « in » (Credo in Spiritum). Car il veut dire : je me remets dans la foi au mystère saint et sauveur de l'Esprit. Certainement pas à une puissance impersonnelle, car il ne peut rien y avoir de ce genre en Dieu; mais à un insaisissable Quelqu'un, qui est un Autre que le Père et le Fils (Jn 14,16). Et dont la propriété sera d'opérer, selon la liberté divine, à l'intérieur de l'esprit libre de l'homme, et d'ouvrir les profondeurs de Dieu, qu'il est seul à sonder, à notre propre condition de toutes parts limitée : « Nous avons reçu l'Esprit qui vient de Dieu, afin de connaître les dons que Dieu nous a faits » (1 Co 2,12).
A lui, qui est le plus tendre, le plus vulnérable, le plus précieux en Dieu, il nous faut nous ouvrir, sans opposer de résistance, en abdiquant toute prétention, sans nous durcir, afin d'obtenir de lui l'initiation au mystère : Dieu est amour. Ne nous imaginons pas que nous le savons déjà par nous-mêmes! « En ceci consiste son amour : ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés » (1 Jn 4,10).L'Esprit seul nous enseigne ce retournement de la perspective, mais par lui nous pouvons effectivement apprendre ce que, selon ses vues, est l'amour.
3.cette « Réalité » qui en Dieu agit de manière libre et pour nous insaisissable, est nommée Pneuma : souffle, vent ou tempête (comme à la Pentecôte); le Ressuscité l'insuffle à ses disciples. A partir de là, faute de meilleure désignation, son surgissement en Dieu est désigné comme un « être spiré ». Quelque chose qui provient du plus intime de Dieu, puisqu'il est dit du Crucifié qu'en mourant il a « remis » son Esprit. Et le plus intime de Dieu n'est-il pas l'amour, et donc l'Esprit n'est-il pas présent partout où ce plus intime se manifeste?
Cela nous place devant une difficile question : peut-on, comme particulièrement la théologie occidentale l'a enseigné de façon si constante, dire que la génération du Fils est un acte de connaissance (car les hommes doivent toujours d'abord connaître , avant de pouvoir aimer), et que ce n'est qu'ensuite que la relation réciproque entre le Père et le Fils est devenue une relation d'amour, qui suscite l'Esprit? - Mais est-ce que le Don originaire du Père n'est pas toujours-déjà amour qui se communique lui-même, qui fait don de tout ce qui lui est propre? De sorte que l'Esprit, comme les Orthodoxes le maintiennent avec ténacité, procède du Père tout comme le Fils? La pensée occidentale a toujours concédé, depuis Augustin, que l'Esprit procède « principaliter » du Père, ce qui peut être traduit par les mots « principalement », « originellement ». Mais comme le Père transmet au Fils toute la puissance de l'être divin, il lui transmet certainement aussi – comme don du Père – de redonner avec la même puissance l'Esprit d'amour qu'il a reçu. Si nous excluons de la vie divine tout avant et après temporels, il devrait être possible de réconcilier la vision orientale avec l'occidentale. Si le Père engendre le Fils dans l'amour, il n'y a aucun moment dans lequel le Fils ne se laisse pas déjà engendrer dans le même amour et ne restitue pas cet amour dans l'Esprit Saint, de sorte que l'Esprit a toujours-déjà fait s'allumer la flamme d'amour entre les deux : origine de l'amour et résultat de l'amour à la fois.
Il serait erroné d'introduire la différence des sexes en Dieu et de voir dans l'Esprit l'élément féminin, le « sein » dans lequel a lieu l'engendrement. Au plan de la créature (qui n'épuise aucunement tout l'amour entre les hommes), la différence tire son origine du plan du Dieu tri(u)nitaire.Si l'on veut aller plus loin, le féminin serait plutôt à chercher dans le Fils : en mourant il fait surgir de lui l'Église qui, dans toute son existence sur terre, s'est laissé conduire et « féconder » par le Père – mais de telle manière qu'en même temps, comme homme, il représente dans le monde la puissance génératrice originaire de Dieu. Et puisque le Fils procède du Père, les sexes différenciés sont finale ment présents dans ce dernier d'une manière « sur-essentielle ». C'est pourquoi des propriétés féminines aussi, pouvaient être attribuées à l'amour de Dieu dans l'Ancienne Alliance. Mais , finalement, la différence qui se vérifie en notre monde apprtient tout à fait à « l'image et ressemblance » d'un Dieu qui jusque dans son amour est « plus dissemblable que semblable » (IV° concile de Latran) par rapport à tout ce qui a été créé.
27.02.08

VII
D'où il viendra juger les vivants et les morts
1.« D'où il viendra », cela veut dire : du Père qui a élevé à sa droite le Fils fait homme. Fondamentalement le Fils vient toujours du Père : c'est sa nature. Il vient comme la Parole, l'Expression du Père, comme sa toute-puissance d'amour rendue présente. Ce « d'où » ne désigne naturellement aucun lieu, car le lieu du Père embrasse tous les lieux du monde; il est en chacun et, dans le même temps il transcende chacun.
Ainsi ce « d'où » du Fils qui vient pour le jugement n'est-il pas d'ordre local : Il exprime une sortie et une venue, qui se jouent au plan de la nature divine elle-même, avec la toute-puissance, qui n'en subit aucune diminution, de l'Origine paternelle. Malgré cela, le Fils utilisera sa toute puissance au titre de ce qu'il est lui-même : l'Envoyé du Père pour le salut du monde, qui « est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et a été ressuscité pour eux » (2Co 5,15). Parce qu'il a fait l'expérience de la culpabilité de tous dans son propre corps et dans son propre esprit, Il les connaît tous de l'intérieur et n'a besoin d'aucun témoignage extérieur pour prononcer son jugement.
« D'où » signifie donc deux choses : « du Père », d'où il sort éternellement, dont il partage la puissance, dont il a reçu sa mission dans le monde, - et de cette mission, qui lui a conféré la connaissance de toutes les hauteurs et profondeurs de la création.
2.« Pour juger ». Juger signifie dé-partager; sans un partage entre oui et non, il n'y pas de jugement. Juger signifie décider; sans une séparation entre droite et gauche, il n'y pas de jugement. Ce partage – cette séparation – nous est représenté de manière significative dans la grande scène du jugement de Matthieu 25. Car en somme, dans le monde et son histoire mais aussi dans chaque vie d'homme, il y a sans aucun doute beaucoup à partager et à séparer, si la vérité sur le tout et sur le détail doit venir au jour. Et ce jugement ne veut pas seulement établir ce qui s'est réellement passé dans le secret; au-delà de cela, il veut, par la sentence portée, ouvrir le chemin vers ce qui vient, vers l'éternel. Nous sommes tous sous le coup de ce jugement, la mère du Seigneur exceptée, en laquelle il n'y a rien à séparer, et c'est bien pourquoi les icônes la présentent comme la Médiatrice, à coté de son Fils en train d'exercer le jugement. (« Priez pour nous pécheurs, maintenant et alors de notre mort. »)
Comment le Seigneur jugera, personne ne le sait d'avance; il nous dit une seule chose : sur quoi portera son jugement : « J'avais faim et vous m'avez donné (ou : vous ne m'avez pas donné) à manger. » A moi, dans le plus petit de mes frères. Avons-nous montré de la bonté, ou bien nous sommes nous seulement aimé nous-mêmes? Les pièces de ce dossier une fois produites, il n'est absolument plus besoin d'aucune sentence : « Je te juge sur tes propres paroles, mauvais serviteur » (Lc 19,22). « Ne devais-tu pas, toi aussi, avoir pitié de ton compagnon comme moi j'ai eu pitié de toi? » (Mt 18,33). « Car le jugement est sans miséricorde pour celui qui n'a pas fait miséricorde; mais la miséricorde se rit du jugement » (JC 2,13).
Où nous tiendrons-nous, à gauche ou à droite? Tels que nous nous connaissons : probablement, très vraisemblablement, des deux côtés à la fois. Beaucoup de ce qui est en nous, nous apparaîtra à nous-même, et apparaîtra d'abord au juge, digne de condamnation : cela doit être jeté au feu. Que tout en nous n'est pas condamnable, que durant toute notre vie, depuis notre petite enfance, nous n'avons pas seulement dit non à l'amour : voilà ce que nous voudrions espérer de la grâce du juge. Serait-ce totalement en vain qu'il est « mort pour nous »?
3.« Les vivants et les morts ».
Les premiers chrétiens avaient espéré qu'au moins une partie d'entre eux vivraient le jugement dernier avant de mourir. Paul le dit expressément, à l'époque primitive qui était la sienne (1 Th 4,17). Nous-mêmes, à notre époque tardive, nous ne savons pas si, lors de la venue du Juge, à côté des morts sans nombre, il y aura encore des vivants qui n'auront pas besoin de mourir pour venir en jugement. Il n'est cependant pas vraisemblable qu'on puisse arriver dans la vie près de Dieu sans mourir. L'Apocalypse décrit le Jugement dernier comme un jugement qui s'exerce sur les morts : « Les morts furent jugés [...] chacun selon ses œuvres. Et la mer rendit les morts qu'elle gardait, la Mort et l'Hadès rendirent les morts qu'ils gardaient » (Ap 20,12s).
Devons-nous désigner comme « les vivants » ceux qui soutiendront le jugement et comme « les morts » ceux chez lesquels rien n'aura été trouvé qui soit digne de la vie éternelle? - Une telle interprétation est loin des textes bibliques. Même lorsqu'à une communauté chrétienne il est dit par le Christ : « Je connais ta conduite; tu passes pour vivant, mais tu es mort. Réveille-toi; ranime ce qui te reste de vie défaillante! » (5Ap 3,1-2), c'est une instante mise en garde qui est ainsi exprimée : la communauté « morte » peut, si elle veut, « se réveiller ». Même à l'autre communauté, qui s'imagine être riche et sage, et est en réalité aveugle et nue, il est dit : « Ceux que j'aime, je les semonce et les corrige » (Ap 3,19). Ici, on peut presque parler de résurrection des morts. Quant à nous tous, il nous reste à unir crainte et espérance lorsque nous essayons de nous jeter aveuglément dans les bras du Seigneur, qui nous connaît et nous aime.
24.02.08

VI
Est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu, le Père tout-Puissant
1. Que Jésus, le Ressuscité, « est monté au ciel »,
cela n'est pas un événement géographique; c'est bel et bien le retour au point de départ de sa mission, d'un Jésus maintenant chargé de toute la récolte du monde, fruit de cette mission. Qu'il ne s'agit pas d'un changement de lieu, la diversité des aspects décrits dans l'Écriture le montre déjà. Si Jésus apparaît à Madeleine en pleurs et ne lui permet pas de le toucher parce que il ne serait pas encore monté vers le Père, c'est qu'il veut manifestement la faire participer à son mouvement du monde des morts vers la vie éternelle : c'est de cette dynamique même qu'elle doit porter le témoignage aux disciples.
Si, à la fin des quarante jours, il s'envole visiblement au ciel devant le groupe des Apôtres en les bénissant, c'est pour leur mettre sensiblement devant les yeux que le temps où le mystère n'était pas encore révélé est terminé. Car il porte maintenant son œuvre terrestre à son accomplissement, en sa qualité d'être déjà céleste : il leur commente l'Écriture, à nouveau il célèbre l'Eucharistie avec eux, il choisit définitivement Pierre comme pasteur de son troupeau, il promet que l'amour, dont Jean est le symbole, demeurera dans l'Église jusqu'à son retour. Il serait absurde de penser et de prétendre ici, en termes de chronologie, que l'union du Ressuscité avec le Père n'aurait eu lieu qu'à la fin de ces quarante jours-là
2.Dire que le Ressuscité « est assis à la droite de Dieu », est naturellement recourir à une image pour exprimer l'élévation inouïe de la nature humaine jusqu'à la participation à la majesté paternelle. Le « à la droite » exprime l'honneur qui est rendu à cette nature, et pareillement l'image de la session. Étienne mourant voit le « le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu », ce qui exprime que le glorifié est prêt à l'action, comme s'il se préparait à prendre près de lui celui qu'on lapide. Et l'on peut difficilement admettre que Paul, qui raconte tois fois l'événement de Damas(Ac9; 22; 26) a vu Jésus siégeant. Il le décrit ailleurs comme Roi exerçant son pouvoir « jusqu'à ce qu'il ait placé tous ses ennemis sous ses pieds » (1Co 15,25), et l'Apocalypse le décrit justement au combat, dans la bataille, chevauchant contre les puissances anti-chrétiennes (Ap 19,11-16).
Ainsi est-il juste de dire que, arrivé en lui-même à l'accomplissement, le Fils de l'homme continue d'agir à travers l'histoire du monde, jusqu'à ce que le tout ait « grandi » vers Celui qui est la Tête, le Christ (Ep 4,15). Ainsi la parole du Jésus terrestre disant qu'il opère ce qu'il voit le Père opérer vaut-elle encore et toujours (Jn 5,19s). Dans la vie éternelle, repos et activité coïncident. C'est seulement de cette manière que c'est une vraie vie.
3.Celui qui a été élevé aux cieux partage l'autorité du « tout puissant », car le Père a remis au Fils de l'homme « tout jugement, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père » (Jn 5,23). Quelle puissance pourrait être plus grande que celle de juger du plus intime, du plus secret de chaque de chaque homme, et de lui attribuer le destin éternel qui, en conséquence, lui revient? La toute-puissance repose beaucoup moins qu'on ne le pense dans ce que les hommes s'en représentent : changer les choses selon sa propre volonté – encore que de cela aussi Jésus a fourni une preuve dans ses miracles. Elle réside bien davantage dans la capacité de mouvoir la liberté des cœurs sans leur faire violence, de réussir à obtenir d'eux, par la puissance secrète de la grâce, le libre oui à ce qui est véritablement le bien.
Les Pères de l'Église avaient coutume de dire que la grâce de Dieu n'agit pas par violence mais par « persuasion » (suasione), en recommandant le choix du meilleur et en donnant à la faible volonté humaine la force d'y consentir de sa conviction et de sa force propres. Jusqu'à quel point la volonté pécheresse peut-elle résister à cette force de conviction du bien- peut-être jusqu'à la fin? - Savoir cela appartient seulement au Juge tout-puissant de tous les cœurs. De ce jugement, sur le déroulement et le contenu duquel nous ne pouvons rien dire à l'avance, traite l'article suivant de notre confession de foi
21.02.08

V
Le troisième jour est ressuscité des morts
1.« Le troisième jour ressuscité selon les Ecritures »
, dit Paul (1 Co 15,4), qui veut aussi voir, dans cette résurrection que personne n'attendait, un accomplissement de ce qui avait été annoncé, tandis que les évangélistes mettent cette annonce dans la bouche du Seigneur lui-même (Mc 10,34). Qu'on puisse assigner à un jour prédéterminé le tournant qui commande tout, montre que, prévu avec précision, ce tournant est datable pour les témoins eux-mêmes, comme tout ce qui est arrivé dans les jours mortels de Jésus. Cette datation est tout aussi importante que celle de la Passion sous Ponce Pilate. Le point chronologique où , dégagée de la mort de la nouvelle vie de Jésus s'éloigne de notre histoire mortelle, n'est pas un moment indéterminé; il est, dans cette histoire qui continue, un maintenant fermement situable.
Il n'en va pas comme si quelqu'un avait pu suivre et accompagner ce surgissement vers la vie à partir de la mort. Il s'agit d'un événement dans l'histoire de Dieu seul; il n'en va pas autrement de l'événement de l'Incarnation. Pourtant, tous les deux – entrée et sortie – touchent notre histoire humaine. Les femmes, les disciples rencontreront le Ressuscité au jour même de sa Résurrection, tandis qu'Élisabeth ne reconnut l'évenement de l'Incarnation que quelques jours après qu'il se fût produit (Lc 1,42 s).
2.
La plupart du temps, la Résurrection du Seigneur mort est attribuée par l'Écriture à Dieu le Père et à sa toute puissance. C'est approprié, puisque c'est avant tout dans l'obéissance au Père divin que le Fils a en vérité conduit à son accomplissement la décision (tri(u)nitaire) en faveur du salut. Dans les discours d'adieu johanniques, Jésus, qui va par la Croix glorifier l'amour du Père pour le monde, lui demande sa propre glorification, celle-ci lui ayant été déjà promise (Jn 13,32; 12,28).La toute puissance du Père, qui se manifeste dans le passage de la mort à la vie éternelle, est célébrée par Paul comme victorieuse (Ep 1,19s).
Mais puisque l'Esprit Saint du Père et du fils a médiatisé toute l'œuvre du salut entre le ciel et la terre, la Résurrection des morts peut lui être attribuée à lui aussi (en même temps qu'au Père cf. Rm, 8,11). Et si nous est étrangère la pensée qu'un mort s'éveille lui-même à la vie, on peut dire que Jésus lui-même, dont la mort – comme nous le disions – était œuvre de son plus vif amour, d'un amour qui était un avec l'Esprit d'amour divin, a lui aussi activement participé à ce passage vers la vie.
Dorénavant il vit « pour Dieu » (Rm 6,10); mais n'a-t-il pas toujours-déja vécu pour Dieu? Et s'il est « une fois pour toutes mort au péché » (id), ne l'a-t-il pas déjà fait dans sa vie et sa Passion? L'unique Dieu tri(u)nitaire opère l'œuvre qui est et reste la donnée centrale pour toute l'histoire de l'humanité : ceux qui sont par nature finis, condamnés à la corruption par le fait qu'ils se sont détournés de Dieu, reçoivent, par le rappel de l'Unique dans la vie éternelle, le don de l'espérance – et même de l'assurance – de l'y suivre (1 Co 15,21).
3. « Des morts ».
D'après ce qui précède, cela ne voudrait pas dire : en quittant les morts; mais : en allant les chercher, en les prenant avec lui, comme cela est merveilleusement décrit dans les prédications des Pères (cf. l'homélie du Vendredi-Saint au Bréviaire). Mais si Paul s'exclame ensuite victorieusement : « Où est_il, ô mort, ton aiguillon? La mort a été engloutie dans la victoire » (1 Co 15,34 s), cela veut dire encore quelque chose de plus : la réalité du mourir comme abandon de soi de l'homme a perdu son aiguillon (à savoir : qu'au bout du compte « tout était vain »), et se trouve incluse à l'intérieur du déploiement de la vie éternelle.
Si le Père se donne sans réserve au Fils, et si, à leur tour, Père et Fils se donnent à l'Esprit Saint, n'y-a-t-il pas là, au cœur de la vie éternelle, l'image originaire du plus beau mourir? Ce définitif ne-pas-vouloir-pour-soi n'est-il pas précisément le présupposé de la vie la plus heureuse? Notre misérable mourir est assumé dans ce « mourir vers » le plus vivant qui soit, de sorte que tout ce qui est de l'homme, sa naissance, sa vie et sa mort, se trouve désormais enveloppé, abrité, dans une vie qui ne connaît plus aucune limite.
18.02.08

IV
A souffert sous Ponce Pilate, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers.
1.« A souffert ».
Il est significatif que le Credo ne fasse pas état de la vie publique de Jésus, de son enseignement, de ses miracles, de son initiative de rassembler ses disciples en vue d'une Église à venir. Cela montre que toute la vie et l'action de Jésus furent sciemment comprises par lui-même en relation avec « l'heure » qui vient, où – après ce qui fut pratiquement un fiasco – devait être accompli l'acte décisif et qui allait tout changer : la souffrance pour le monde pécheur et réfractaire à Dieu.
Il me paraît précipité de vouloir retirer à Jésus toutes les prédictions directes et indirectes de sa passion, comme s'il n'avait pas su pourquoi finalement il fut envoyé dans le monde, comme si le vif reproche fait à Pierre (« Satan », Mt 16,23), l'invitation à porter sa croix chaque jour derrière lui (Lc 14,27), l'aspiration angoissée au « baptême » qu'il a à recevoir (Lc 12,50), étaient de pures inventions de l'Église primitive – pour ne rien dire du tout de la théologie paulinienne de la Croix.
Que Jésus n'ait pas eu à l'avance devant les yeux maints détails de la Passion dont les évangélistes lui attribuent la connaissance, il n'est pas besoin de le contester, précisément parce qu'il abandonnait au Père la maîtrise et le contenu de « l'heure » (Mc 13,32). Il n'est pas vrai non plus que Jésus ait constamment souffert d'avance à la perspective incessante de la croix; il acceptait sans restriction chaque don du Père : aussi celui de la joie, du compagnonnage, et de l'ensemble des dons dont il se voyait le bénéficiaire.
Mais l' « heure du pouvoir des ténèbres » (Lc24,53) où lui furent infligées par les hommes toutes sortes de souffrances spirituelles et physiques, et où le Père lui-même abandonna le Supplicié, est pour nous une nuit insondable. Aucune célébration du chemin de la Croix, et pas même les horreurs des tortures humaines et des camps de concentration, ne donnent une image de cela. Qui peut s'imaginer ce que cela signifie, face à un Dieu qui se détourne de cette abomination, que de porter la charge du péché du monde, d'éprouver en soi-même la perversion intime d'une humanité qui refuse à Dieu tout service et tout honneur?
Et puisque sont rassemblés ici, dans leur amplitude impossible à dominer, tous les temps depuis le commencement jusqu'à la fin du monde, la Croix se trouve, pour celui qui la souffre, arrachée au régime du temps; d'un regard en avant vers la résurrection après-demain, il ne peut donc plus être question. Le pécheur peut espérer, le « péché », non; mais précisément, à cause de nous, Christ « a été fait péché » (2 Co 5,21).
« 2. "Est mort et a été enseveli" ».
Mort avec la question à son Dieu disparu : pourquoi l'a-t-il abandonné? Mort en remettant son esprit dans les mains de l'Absent. Mort avec un grand cri, dans lequel -selon Nicolas de Cuse – la Parole désormais inarticulable de Dieu atteint son point culminant. Mort de la mort qui le plaçait au point extrême de la communion avec tous les pécheurs, mais de la mort la plus ténébreuse, car quelle nuit est plus sombre que celle de celui qui a connu le plus intimement le Dieu perdu?
« Et enseveli », précision sur laquelle Paul aussi met l'accent (1Co 15,4, en signifiant par là que le Ressuscité n'était plus au tombeau), c'est-à-dire : réellement mort, et terminant par là, comme chacun de nous son destin terrestre.
3.« Descendu aux enfers ».
Naturellement, car la mort « est suivie des enfers » (Ap 6,8), dont la désolation nous est si réalistement décrite par les Psaumes. C'est comme un mort humain que le Fils est descendu chez les morts, et non-pas comme un victorieux-vivant portant une oriflamme de Pâques, à la manière dont, projetant à l'avance la Résurrection dans le Vendredi-Saint, les icônes orientales le représentent. L'Église a interdit de chanter l'alleluia ce jour-là. Et pourtant le nouveau mort est différent de tous les autres. Il est mort par pur amour, par amour humano-divin ; mieux : sa mort était la plus importante mise en acte de cet amour, et l'amour est ce qu'il y a de plus vivant. Ainsi, le fait de connaître effectivement l'état de mort - et cela veut dire : perte de tout contact avec Dieu et avec les frères en humanité (qu'on relise les Psaumes) – est-il aussi un acte de son amour le plus vivant.
Ici, dans la plus extrême solitude, cet amour est annoncé aux morts; plus que cela même : il leur est partagé (1 P3,19). L'action de salut qu'est la Croix ne valait pas, et de loin, pour les seuls vivants; elle inclut aussi en elle tous ceux qui sont morts avant ou après elle. Aussi, depuis cette mort par amour de notre Seigneur, la mort a-t-elle reçu une tout autre signification; elle peut devenir pour nous l'expression de notre plus pur et notre plus vivant amour, si nous l'acceptons comme l'occasion qui nous est donnée de nous remettre sans réserve entre les mains de Dieu. Elle est, alors, non seulement réparation pour tout ce que nous avons manqué mais, au delà de cela, gain, pour d'autres, de la grâce de quitter leur égoïsme et de choisir l'amour comme leur attitude la plus intime.
A partir du Vendredi-Saint, la mort devient purification. Ce jour-là, le Seigneur mort ouvrit un chemin pour sortir de l'éternelle perdition et aller vers le ciel : le feu qui purifie les morts pour les ouvrir à l'amour. Dans l'Ancienne Alliance, cela n'existait pas; pour tous il n'y avait que le Shéol, le lieu de l'être-mort. Descendant dans ce lieu, le Christ a ouvert l'accès au Père.
15.02.08

III
Qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie
1. Qui a été conçu
« Conçu ». Cela est dit du Fils de Dieu, mais cela sonne comme un passif : dans cette conception, un Autre est actif, qui sera aussitôt nommé, l'Esprit Saint. Et une autre est celle qui conçoit : la Vierge Marie. Tout comme un enfant est passif dans la conception, tandis que les parents se comportent activement.
Mais l'enfant ne s'éveille que tardivement à la conscience, tandis que le Fils de Dieu a, lui, une conscience éternelle, et aussi une volonté de devenir homme. Certes, nous confessons pourtant dans la foi qu'il ne s'incarne pas lui-même, qu'il ne se saisit pas lui-même de la nature humaine qu'il revêtira. Au contraire, en tant qu'il est la « semence » du Père, il se laisse porter dans le sein de la Vierge par l'Esprit Saint. Mais cela veut dire que déjà l'événement de son incarnation est le commencement de son obéissance. Très souvent, des théologiens ont prétendu le contraire, pour la raison que l'union de la nature humaine avec la divine s'accomplit uniquement dans le Fils, en tant que, dans la divinité, il est la « deuxième personne »
.
Mais la confession de foi ne parle pas d'un « prendre »; elle fait état d'un « laisser-advenir-sur soi ». Dans cette obéissance pré-temporelle, le Fils se distingue, encore et toujours, et profondément, de l'homme naturellement engendré, à qui l'on ne demande pas s'il veut ou non entrer dans l'existence. Dans le plan de salut divin, le Fils laisse disposer de lui-même en toute conscience et en plein accord. Mais, déjà là, il le fait dans l'Esprit Saint, dans l'esprit de cette obéissance par laquelle il expiera pour la désobéissance d'Adam en la « noyautant » de l'intérieur. Il ne retient pas fermement, tel un capitaliste, le trésor de sa divinité, comme s'il se l'était acquis à lui-même (Ph 2,6). Ce trésor, il le tient du Père et il peut le « remettre » au Père, pour manifester clairement, à partir de son éternelle soumission au Père, l'aspect d'obéissance qu'elle implique, pour vivre celle-ci à la manière dont une créature doit la pratiquer à l'égard de Dieu.
2.« Du Saint-Esprit ».
Il est l'esprit du Père et du Fils. Mais maintenant, puisque le Fils devient homme, il devient lui-même, lui l'Esprit inséparable des deux, Esprit qui, dans le Père, donne le commandement et qui, dans le Fils, reçoit le commandement.
Cela vaut déjà dans l'acte de l'incarnation elle-même, puisque l'Esprit porte le Fils comme « semence du Père » dans le sein de la Vierge, et que celui-ci s'y laisse porter dans le même Esprit. Si l'Esprit Saint, en tant qu'il est une unique personne, est le fruit et le témoignage de l'amour mutuel du Père et du Fils, alors se mesure ici à quel point le commandement du Père et et l'obéissance du Fils fait homme sont, jusqu'à leur fondement le plus profond, amour parfait. Pour nous les hommes, cela voudra dire que notre obéissance, celle que nous devons à notre Créateur et Seigneur et à tous ses commandements, directs et indirects, peut et même doit être, en Jésus-Christ, expression de notre amour. De telle sorte qu'un amour de Dieu et des hommes qui souhaiterait mettre l'obéissance entre parenthèses ou lui passer outre, ne mérite pas du tout le nom d'amour.
3.« Né de la Vierge Marie ».
Ici, grand champ de bataille! Puisqu'il s'agit d'un homme, pourquoi ne connaît-il pas une conception humaine normale? Et l'affirmation de cette naissance virginale (évidemment connue relativement tard puisque Paul n'en sait rien, et Marc pas davantage) entendue comme un acte de vénération à l'égard d'un Jésus honoré comme Dieu, n'est-elle pas bel et bien à la remorque de légendes hellénistiques ou, plus plausiblement encore, de mythes égyptiens? Et pour finir : même une fois admis que la Vierge (déjà mariée) aurait conçu sans homme, doit-on admettre, ce qui est plus invraisemblable encore, qu'elle aurait aussi virginalement enfanté? Du reste n'est-il pas expressément question de frères de Jésus : pourquoi, dès lors, faire une exception pour le « premier-né » (Lc 2,7)?
Foule de questions : pour leur répondre, il faudrait un livre. Contentons nous ici d'un sténogramme : la naissance virginale vient tout droit de ces préparations de l'Ancienne Alliance, où Dieu redonne la vigueur sexuelle à un corps éteint (Abraham, Zacharie et sa femme stérile), et où le miracle qui fait que la « stérile » aura plus d'enfants que la féconde, est la parabole permanente de la puissance de Dieu qui retourne tout. Cela aura été la raison pour laquelle l'oracle d'Isaïe (« La jeune femme – ou : la vierge - enfantera », 7,14) est délibérément traduit, déjà à l'époque pré-chrétienne (Septante) par le mot « vierge ». Dans beaucoup de peuples arabes aujourd'hui, on appelle « frères » des parents éloignés : cela est sans aucun doute à l'arrière-plan du grec « adelphos » qui, en sens plus strict, veut dire « frère ».
Et typique pour notre temps de foi minimaliste est la concession d'une conception virginale alors que, dans in même temps , le croyant est dispensé du miracle d'une naissance virginale! Comme si la seconde n'était pas pour Dieu tout aussi facile à réaliser que la première. - Mais pourquoi cela? Parce que dans la Nouvelle Alliance, la fécondité de la vie selon la virginité (cf. avant tout l'Eucharistie de Jésus), une fécondité fructifiant non pas pour une mortalité renouvelée mais pour la vie éternelle, sera un trait décisif de la nouvelle importance que prendront le corps et le sexe.
Notons-le bien : avec cela – spirituellement et corporellement – les douleurs (messianiques) de son Avent ne seront pas épargnées à Marie : elles sont solidarité avec le peuple élu et, par avance, avec le corps de son Fils (Ap 12,2). Mais avec la nuit de Noël, l'Ancienne Alliance et ses attentes se dépassent elles-mêmes pour entrer dans l'accomplissement tout autre qu'apporte la Nouvelle. Tout cela est logique purement biblique, et tous les parallèles antiques manquent de la profondeur décisive qui est caractéristique de la Révélation.
12.02.08

II
Et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur
1.Et en Jésus-Christ
Que Dieu est Père signifie du même coup qu'il a un enfant. Créatures éphémères, nous ne sommes pas nous, cet enfant que Dieu doit avoir pour être nommé Père. Nous sommes des milliards, et personne d'entre nous ne jouit de la durée qui, même seulement de loin, serait comparable à celle de Dieu. Non; pour s'appeler Père, un Père qui se donne éternellement, Dieu doit avoir un « unique -engendré ». (Nous le nommons Fils et non pas Fille parce que c'est comme homme qu'il apparaîtra dans le monde- et cela, afin de représenter pour nous l'autorité de la féconde Origine paternelle.)
Le christianisme tient et tombe avec cet énoncé qui affirme l'existence, d'une fécondité intra-divine (l'Esprit sera nommé dès l'article suivant). Car si Dieu n'est pas en lui-même l'amour, il aurait besoin du monde pour l'être, et alors c'en serait fait de sa divinité – ou bien nous devrions nous désigner nous-mêmes comme une part de Dieu, et nous attribuer nous-mêmes un caractère de « nécessité ».
On peut pour cette raison dire que Yahvé est un nom de Dieu qui est seulement en route vers le Père du Christ, et Allah un nom de Dieu dont le Coran a repris de la Bible la bonté qu'il Lui attribue. Un Dieu qui doit être amour sans être tri(u)nitaire, ne pourrait posséder qu'un amour de soi; son besoin d'aimer un monde qu'il n'est pas lui-même demeure au bout du compte inexplicable.
Cela dit, nous chrétiens, nous avons aussi à nous interroger ainsi : un Dieu qui, comme tri(u)nitaire, est l'Amour se donnant éternellement, ne se suffit-il pas tout aussi éternellement à lui-même? Nous lui avons déjà donné le nom de Créateur du ciel et de la terre : pourquoi? Pourquoi nous veut-il, puisqu'il n'a pas besoin de nous et ne fait, avec le monde tel qu'il sera, que s'exposer à des ennuis interminables? Pourquoi se comporte-t-il, dit saint Ignace dans la méditation finale de ses exercices (n° 236), « comme quelqu'un qui se donne un travail pénible »?
2.Son Fils unique
dans notre confession de foi, nous parlons de l'enfant que Dieu a engendré comme de « Jésus-Christ »; traduisons : « le porteur de salut marqué de l'onction messianique ». Ainsi lui donnons-nous déjà en Dieu le nom qu'il a de fait reçu lors des sa venue dans l'humanité. En va-t-il donc effectivement de telle manière que, simultanément à sa procession éternelle à partir du Père, le regard de Dieu embrasse aussi ce monde à problèmes, à la fois merveilleux et tragique? - Il ne peut pas en être autrement, car Dieu n'a pas d'idées qui lui viendraient « après coup ».
Et pourtant il nous faut mettre une distinction radicale et infranchissable entre la procession intra-divine qui appartient à la nature de Dieu , et le monde, créé sur la base d'une libre décision du Dieu tri(u)nitaire. Aussi profondément même que Dieu veuille nous faire entrer dans l'intime de sa vie divine, les créatures que nous sommes n'en deviendront jamais Dieu pour autant. Pourquoi, alors, au bout du compte, un monde?
Comme chrétien (personne ne peut sinon), on peut oser une première réponse : si (afin qu'il puisse être dit « Amour ») il doit y avoir en Dieu lui-même l'Un et l'Autre et leur union, alors il est très bon qu'il y ait aussi quelque chose d'autre, alors le monde n'est pas, comme dans les autres monothéismes, une réalité déchue de l'Un. Dire cela n'est certes pas rien dire, mais ce n'est en aucune manière suffisant. Car maintenant surgit la difficulté : si Dieu se décide à créer des êtres libres, qui peuvent le connaître et l'aimer, il ne peut pas les « endurcir dans le bien »; ( qu'ils soient anges ou hommes) il doit au contraire leur laisser le choix du oui et du non. Qu'arrive-t-il alors si, comme c'est à attendre ils préfèrent le non?
Dieu prévoit depuis toujours ce qu'il risque s'il crée des êtres finis. Pour Lui, l' « Autre » est d'abord le Fils, et pour cette raison ce n'est que dans le Fils que d'autres êtres peuvent être créés (« sans lui rien ne fut », de ce qui est, Jn 1,3). Ainsi le Fils est-il garant de la réussite de l'audace qui a consisté à « oser » le monde, et finalement, à le tenir pour « très bon ». Il l'est d'autant plus que par là - concrètement par sa Croix - il peut manifester au Père sa reconnaissance infinie. Quant aux créatures il pourra justement leur prouver par là que, malgré toute apparence, Dieu est l'Amour qui va « jusqu'à la fin » (Jn 13,1) de ses possibilités.
Cela dit, on ne doit pas s'imaginer que Dieu le Père, qui a été auparavant désigné comme « Créateur du ciel et de la terre », oblige à proprement parler le Fils à mener à bien son plan sur le monde : devenir homme et souffrir. Le Fils et l'Esprit sont en effet aussi éternels que le Père et c'est par le Dieu un et tri(u)nitaire, que le monde est planifié en toute liberté. Si le monde devait entrer dans l'existence selon l'image originaire de l' « Autre » qui est le Fils, nous ne pouvons pas parler humainement autrement qu'en disant ceci : le Père prie (en premier!) le Fils de se porter garant du salut du monde. En réponse à cette prière, le Fils prie le Père de pouvoir entreprendre cette oeuvre pour sa glorification (par le Fils et par le monde tout ensemble). Quant à la prière de l'Esprit-Saint, ce serait que la glorification mutuelle du Père et du Fils dans le monde puisse s'accomplir par sa propre force de sanctification.
L'existence du monde est-elle par là expliquée? -Aucunement dans le sens où celui-ci apparaîtrait nécessaire! La liberté de Dieu, par laquelle nous sommes, demeure impénétrable; mais nous pouvons avec le Fils « notre Seigneur », rendre grâce (eucharistein) au Dieu tri(u)nitaire, tout à la fois pour notre existence et pour notre salut.
3. Notre Seigneur
Nous nommons le Fils « notre Seigneur ». « Vous m'appelez Seigneur et Maître et vous dites bien, car je le suis » (Jn 13,13). Si comme Ressuscité, il nous nomme ses « frères », il y a là pour nous une telle marque d'honneur que, recevant cette désignation, il n'est que juste que nous confessions avec Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Précisément parce que il s'abaisse si profondément qu'il en vient à nous laver les pieds, précisément parce qu'il vient à la rencontre de l'incroyance et laisse toucher ses blessures. Abandonnons l'appellation « Grand Frère » à l'Antichrist d'Orwell ou de Soloviev.
Pourtant , il ne veut pas que nous nous « effarouchions » devant lui (comme manifestement les disciples le firent lors du repas matinal au bord du lac : « Aucun d'eux n'osait lui demander : « Qui es-tu? », sachant que c'était le Seigneur », Jn 21,21). Il veut que, nous tenant près de lui, et ensemble avec lui, nous disions le « Notre Père ». Il veut davantage encore : que nous recevions son pardon dans la Pénitence et que nous nous nourrissions eucharistiquement de lui. Il veut en nous se tenir devant le Père et, même, en nous, être dans le Père. Il veut que nous, ces créatures problématiques que nous sommes, nous entrions en lui, en tant qu'il est « nouveau ciel et nouvelle terre », dans la vie intime de l'amour divin.
09.02.08

I Premier article
« Je crois en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre. » Trois affirmations sur « Dieu » : il est Père, tout-puissant, créateur.
1. Père
Qu'il est Père, nous le savons en toute plénitude par Jésus-Christ, qui se rapporte à Lui comme à son origine, dans un amour, une reconnaissance et une adoration incessants. Il est nommé Père parce que c'est de lui-même qu'il est fécond, et qu'il n'a donc besoin d'aucune fécondation. Mais il ne l'est pas au sens sexuel, puisqu'il sera créateur de l'homme et de la femme, et qu'à cause de cela il contient en lui-même les propriétés fondamentales de la femme d'une manière tout aussi éminente que celles de l'homme. (Le grec gennaô peut aussi bien vouloir dire procréer que donner naissance, tout comme le mot qui est employé pour venir à l'existence, ginomai.) Les paroles de Jésus attirent l'attention sur le fait que cette féconde auto-donation de celui qui est la première origine, n'a ni commencement ni fin : elle est événement perpétuel, dans lequel se confondent nature et agir.
Ici réside le plus insondable dans le mystère de Dieu : Celui qui est le Tout-Puissant n'est pas une Réalité qui reposerait en elle-même et serait du même coup saisissable; il est une Réalité telle qu'elle consiste uniquement dans le mouvement de se donner : source qui coule sans avoir en arrière d'elle-même une fontaine où elle puiserait, acte qui engendre sans avoir un réservoir auquel il recourrait et sans tout un organisme qui accomplirait l'acte en question. C'est dans un pur acte de se répandre, que Dieu le Père est lui-même, qu'il est, si l'on veut, « personne » (d'une manière éminente).
2.tout-puissant
Si en différents endroits le Nouveau Testament nomme le Père « tout-puissant », on voit déjà, à partir de ce qui précède, que cette toute puissance ne peut pas être une autre que celle d'un don de soi que rien ne peut limiter. Qu'est-ce qui pourrait surpasser la puissance de susciter une réalité « de même nature », c'est-à-dire de même amour et de même puissance : non pas un autre Dieu, mais un autre en Dieu (« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu », Jn 1,1)?
Et si , par la suite, la Création est attribuée au Père tout-puissant, l'Évangile ne laisse subsister aucun doute sur le fait que Dieu le Fils et l'Esprit-Saint y participent avec la même toute-puissance une toute -puissance, toutefois, qui est originellement donné à partir de l'origine paternelle.
C'est la raison pour laquelle il est essentiel de voir d'abord l'inépuisable puissance du Père dans la force de son auto-donation, c'esr-à-dire de son amour, et non pas, disons, dans la capacité, qui serait la sienne, de faire arbitrairement ceci ou cela. Et il est tout aussi essentiel de ne pas comprendre cette toute puissance d'amour du Père comme quelque chose d'obscurément-élémentaire, d'éruptif, de prélogique, car son acte de se donner apparaît en même temps comme un acte de se penser, de se dire, de s'exprimer (He 1,3) : ce qu'elle produit c'est le Logos, la Parole qui porte en soi tout sens. Quant à la toute-puissante auto-expression du Père, elle est tout aussi peu quelque chose de contraignant : elle est elle-même origine de toute liberté et non pas, une nouvelle fois, au sens d'un arbitraire, mais au sens d'une éminente auto-possession de l'amour qui se donne. Cette liberté est donné au Fils en même temps que la divinité (dans une liberté souveraine il deviendra homme et « il appellera à lui ceux qu'il veut » (Mc 3,13) ; elle est donnée par tous deux à l'Esprit-Saint, qui « souffle où il veut » (Jn 3,8).
3.créateur
L'amour de Dieu est en lui-même si accompli -un aimant, un aimé qui répond à celui qui l'aime, et l'union du fruit des deux -, qu'il n'a pas besoin d'un monde non divin pour avoir quelque chose à aimer. Si un tel monde est crée par Dieu librement, sans contrainte, alors il l'est par le Père pour glorifier le Fils qu'il aime ; par le Fils aimant pour déposer toutes choses aux pieds du Père comme un don ; par l'Esprit pour, d'une nouvelle manière, donner expression à l'amour réciproque du Père et du Fils. Ainsi est-ce le Dieu tri(u)nitaire qui est le créateur du monde. Si cette Création est attribuée en propre au Père, c'est parce que , déjà en Dieu, il est l'origine au-delà de la quelle il n'y a plus rien à chercher.
Voilà pourquoi aussi l'agir du Fils et de l'Esprit dans le monde tend à conduire toutes choses comme à leur demeure en les orientant vers cette origine dernière en laquelle il y a une place infinie pour tout. (« Dans la maison de mon Père il y a de nombreuses demeures », Jn 14,2.) Voilà pourquoi l'esprit humain n'est pas en repos tant qu'il n'est pas parvenu au commencement de toute existence et de tout amour.
C'est pour cette raison aussi qu'il est question de « ciel et terre » : parce que dans l'ancienne image du monde, et beaucoup plus encore dans la nouvelle, le monde vu comme habitation de l'homme avait toujours au-dessus de lui un ciel inatteignable, cet Inatteignable intra-mondain étant alors seulement symbole pour désigner le « lieu » de Dieu dans sa création. Car il est bien impossible qu'il en soit absent. « C'est en lui, en effet que nous avons la vie, le mouvement et l'être », et que pour cette raison, « nous le cherchons « , « si toutefois nous pouvons l'atteindre » (Ac 17,27-28). Pour cela nous apporteront leur aide son Verbe devenu homme et son Esprit.
06.02.08

Temps de Carême
Aujourd'hui Mercredi des cendres début du Carême. COMMENTAIRE DU SYMBOLE DES APÔTRES par Hans Urs von BALTHASAR Tout ce qui est multiple a son origine dans quelque chose de simple. Les nombreuses parties du corps de l'homme viennent de l'oeuf fécondé. Les douze énoncés du Symbole des Apôtres ont leur point de départ dans cette question tripartite :« Crois-tu en Dieu le Père, le Fils, le Saint-Esprit? » Mais ces trois mots sont eux-mêmes l'expression de ceci – dont Jésus fournit la preuve : le Dieu unique est dans sa nature même amour et don de soi. Jésus se sait, il se reconnaît Parole, Fils, Expression, Témoignage d'Auto-donation dans l'amour, de l'Origine immémoriale qu'il nomme « Père », qui l'aime et qu'il aime dans leur commun Esprit d'amour divin. Un Esprit dont il nous fait don, afin que afin que nous soyons nous-mêmes inclus dans cet abîme d'amour (qui surpasse toute mesure), et que ainsi nous puissions comprendre quelque chose de sa surabondance : « Connaître l'amour qui surpasse toute connaissance » (Ep 3,19) Ce n'est qu'à la condition de maintenir constamment le regard sur ce fondement de l'Unité, qui s'ouvre aussi à nous, que cela a du sens de déployer le Credo chrétien. Tout d'abord en fonction des trois accès mentionnés, mais étant entendu que ceux-ci se subdivisent encore en douze « articles » (« articulus signifiant l'articulation qui relie les membres les uns aux autres). Nous ne croyons jamais à des énoncés, mais à une unique Réalité qui se déploie devant nous, et qui est à la fois la plus haute vérité et le plus profond salut.
Je voudrais vous inviter tout au long de ce temps à méditer et à partager sur le Credo, profession de notre foi, à partir du commentaire écrit à la fin de sa vie en 1988 par le grand théologien le cardinal Hans Urs von Balthasar. Ces méditations sur le Credo-le symbole des Apôtres-qui peuvent s'assimiler à une sorte de testament de sa foi représentent une véritable "somme " de la foi chrétienne comme l' indique Monseigneur Joseph Doré traducteur de ce texte dans son introduction :
Dieu est amour. D'abord en lui-même. Mais aussi, et conséquemment, pour nous et pour le monde, qu'il n'a créés que pour mettre toute sa gloire à les associer à sa vie. C'est ce" qui éclate dans la vie, la Croix et la Pâque de Jésus, qui apparaît dès lors au centre et au coeur de tout ce qui existe, monde et histoire. Et qui révèle à la fois Dieu comme Trinité d'un Père qui l'a envoyé, d'un Fils qu'il est lui-même, et d'un Esprit qui les unit et qu'ils nous donnent, et l'homme comme destiné dès ce monde à la communion des saints et à la rémission des péchés, et dans l'autre à la résurrection de la chair et à la vie éternelle
L"Unique nécessaire" est là. Il ne peut être reçu et compris que dans la foi, l'espérance et la charité; mais quand il l'est ainsi, on le découvre à la fois comme Beauté à admirer, Bonté à aimer et Vérité à proclamer. Or telle est, au bout du compte, ni plus ni moins, la confession de la foi qu'appelle le Symbole des Apôtres.
"à demain"