15.02.08

III
Qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie
1. Qui a été conçu
« Conçu ». Cela est dit du Fils de Dieu, mais cela sonne comme un passif : dans cette conception, un Autre est actif, qui sera aussitôt nommé, l'Esprit Saint. Et une autre est celle qui conçoit : la Vierge Marie. Tout comme un enfant est passif dans la conception, tandis que les parents se comportent activement.
Mais l'enfant ne s'éveille que tardivement à la conscience, tandis que le Fils de Dieu a, lui, une conscience éternelle, et aussi une volonté de devenir homme. Certes, nous confessons pourtant dans la foi qu'il ne s'incarne pas lui-même, qu'il ne se saisit pas lui-même de la nature humaine qu'il revêtira. Au contraire, en tant qu'il est la « semence » du Père, il se laisse porter dans le sein de la Vierge par l'Esprit Saint. Mais cela veut dire que déjà l'événement de son incarnation est le commencement de son obéissance. Très souvent, des théologiens ont prétendu le contraire, pour la raison que l'union de la nature humaine avec la divine s'accomplit uniquement dans le Fils, en tant que, dans la divinité, il est la « deuxième personne »
.
Mais la confession de foi ne parle pas d'un « prendre »; elle fait état d'un « laisser-advenir-sur soi ». Dans cette obéissance pré-temporelle, le Fils se distingue, encore et toujours, et profondément, de l'homme naturellement engendré, à qui l'on ne demande pas s'il veut ou non entrer dans l'existence. Dans le plan de salut divin, le Fils laisse disposer de lui-même en toute conscience et en plein accord. Mais, déjà là, il le fait dans l'Esprit Saint, dans l'esprit de cette obéissance par laquelle il expiera pour la désobéissance d'Adam en la « noyautant » de l'intérieur. Il ne retient pas fermement, tel un capitaliste, le trésor de sa divinité, comme s'il se l'était acquis à lui-même (Ph 2,6). Ce trésor, il le tient du Père et il peut le « remettre » au Père, pour manifester clairement, à partir de son éternelle soumission au Père, l'aspect d'obéissance qu'elle implique, pour vivre celle-ci à la manière dont une créature doit la pratiquer à l'égard de Dieu.
2.« Du Saint-Esprit ».
Il est l'esprit du Père et du Fils. Mais maintenant, puisque le Fils devient homme, il devient lui-même, lui l'Esprit inséparable des deux, Esprit qui, dans le Père, donne le commandement et qui, dans le Fils, reçoit le commandement.
Cela vaut déjà dans l'acte de l'incarnation elle-même, puisque l'Esprit porte le Fils comme « semence du Père » dans le sein de la Vierge, et que celui-ci s'y laisse porter dans le même Esprit. Si l'Esprit Saint, en tant qu'il est une unique personne, est le fruit et le témoignage de l'amour mutuel du Père et du Fils, alors se mesure ici à quel point le commandement du Père et et l'obéissance du Fils fait homme sont, jusqu'à leur fondement le plus profond, amour parfait. Pour nous les hommes, cela voudra dire que notre obéissance, celle que nous devons à notre Créateur et Seigneur et à tous ses commandements, directs et indirects, peut et même doit être, en Jésus-Christ, expression de notre amour. De telle sorte qu'un amour de Dieu et des hommes qui souhaiterait mettre l'obéissance entre parenthèses ou lui passer outre, ne mérite pas du tout le nom d'amour.
3.« Né de la Vierge Marie ».
Ici, grand champ de bataille! Puisqu'il s'agit d'un homme, pourquoi ne connaît-il pas une conception humaine normale? Et l'affirmation de cette naissance virginale (évidemment connue relativement tard puisque Paul n'en sait rien, et Marc pas davantage) entendue comme un acte de vénération à l'égard d'un Jésus honoré comme Dieu, n'est-elle pas bel et bien à la remorque de légendes hellénistiques ou, plus plausiblement encore, de mythes égyptiens? Et pour finir : même une fois admis que la Vierge (déjà mariée) aurait conçu sans homme, doit-on admettre, ce qui est plus invraisemblable encore, qu'elle aurait aussi virginalement enfanté? Du reste n'est-il pas expressément question de frères de Jésus : pourquoi, dès lors, faire une exception pour le « premier-né » (Lc 2,7)?
Foule de questions : pour leur répondre, il faudrait un livre. Contentons nous ici d'un sténogramme : la naissance virginale vient tout droit de ces préparations de l'Ancienne Alliance, où Dieu redonne la vigueur sexuelle à un corps éteint (Abraham, Zacharie et sa femme stérile), et où le miracle qui fait que la « stérile » aura plus d'enfants que la féconde, est la parabole permanente de la puissance de Dieu qui retourne tout. Cela aura été la raison pour laquelle l'oracle d'Isaïe (« La jeune femme – ou : la vierge - enfantera », 7,14) est délibérément traduit, déjà à l'époque pré-chrétienne (Septante) par le mot « vierge ». Dans beaucoup de peuples arabes aujourd'hui, on appelle « frères » des parents éloignés : cela est sans aucun doute à l'arrière-plan du grec « adelphos » qui, en sens plus strict, veut dire « frère ».
Et typique pour notre temps de foi minimaliste est la concession d'une conception virginale alors que, dans in même temps , le croyant est dispensé du miracle d'une naissance virginale! Comme si la seconde n'était pas pour Dieu tout aussi facile à réaliser que la première. - Mais pourquoi cela? Parce que dans la Nouvelle Alliance, la fécondité de la vie selon la virginité (cf. avant tout l'Eucharistie de Jésus), une fécondité fructifiant non pas pour une mortalité renouvelée mais pour la vie éternelle, sera un trait décisif de la nouvelle importance que prendront le corps et le sexe.
Notons-le bien : avec cela – spirituellement et corporellement – les douleurs (messianiques) de son Avent ne seront pas épargnées à Marie : elles sont solidarité avec le peuple élu et, par avance, avec le corps de son Fils (Ap 12,2). Mais avec la nuit de Noël, l'Ancienne Alliance et ses attentes se dépassent elles-mêmes pour entrer dans l'accomplissement tout autre qu'apporte la Nouvelle. Tout cela est logique purement biblique, et tous les parallèles antiques manquent de la profondeur décisive qui est caractéristique de la Révélation.