05.04.08
Homélie de Pâques par le P. Xavier MANZANO,
vicaire de la Basilique du Sacré-Coeur du Prado à Marseille et directeur spirituel des Laïcs Missionnaires de la Charité de Marseille.
« Le disciple entre dans le tombeau et il regarde le linceul resté là et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul mais roulé à part à sa place ».
Frères et sœurs,
Si l'on en croit Saint Jean, le Christ est sorti nu du tombeau. Pour sa renaissance, il est sorti nu comme au jour de sa naissance. Pas de question de pudeur ou de vague décence là-dedans ! Celui qui, au soir du Jeudi Saint, s'est mis nu devant ses disciples pour leur laver les pieds, Celui que l'on a mis à nu, au sommet du Golgotha, pour se partager ses vêtements, Celui-là n'a désormais plus voulu comme habit, voilant et révélant sa divinité, que notre simple humanité. Et notre humanité, en chaque fibre, devient l'écrin que Dieu s'est choisi pour se révéler et se communiquer. Et cela, frères et sœurs, c'est notre libération. Quand le Fils de Dieu, jusqu'au bout, se revêt de notre nudité, il nous montre que nous n'avons plus à nous cacher, comme Adam et Eve, devant notre Dieu qui nous appelle : « Où es-tu ? » Autrement dit, nous n'avons plus à jouer un rôle, à dissimuler nos fragilités et nos défauts sous le pâle vernis de nos vanités, à nous cacher notre mort sous des éternités de pacotille. Car le Christ est ressuscité ! A celui qui s'est mis complètement à nu, qui s'est plongé dans la plus extrême fragilité, qui s'est dépouillé de tout, même de sa divinité, « Père, entre tes mains, je remets mon esprit », le Père a répondu : au cœur de la mort héritée d'Adam, ultime négation, Il lui a rendu la vie divine dont rien ni personne ne peut avoir raison. Mais, frères et sœurs, pour comprendre à quel point cette nouvelle nous touche, nous avons besoin de signe.
Ce signe est aussi nu et simple que le Christ : un tombeau vide et des linges abandonnés. Et pourtant avec quelle précision l'Apôtre Saint Jean nous le décrit-il ! Si nous avions des doutes ou si notre cœur restait froid à l'extraordinaire annonce de la Résurrection, il n'est qu'à le lire et à l'entendre : « Le disciple entra dans le tombeau et il regarde le linceul resté là et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul mais roulé à part à sa place ». Autrement dit, « j'y étais ». Frères et sœurs, cette annonce toute simple nous pose la question fondamentale de notre foi : acceptons-nous d'entrer dans ce témoignage des Apôtres ? Trop souvent, le caractère extraordinaire de ce que les disciples nous ont rapporté nous terrifie et nous cherchons à l'esquiver. Trop souvent, nous avons vu de doctes professeurs nous affirmer que la Résurrection était une manière de parler, qu'il s'agissait d'une expérience que les disciples avaient fait les yeux fermés, j'en passe et des meilleures. Frères et sœurs, les Apôtres ont pris des risques énormes pour nous transmettre cette extraordinaire nouvelle, ils ont bravé les pires dangers et parcouru le monde, ils ont été jusqu'à la mort pour affirmer la réalité de ce qu'ils ont vu et entendu : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie (...), nous vous l'annonçons afin que vous soyez en communion avec nous » (1 Jn. 1, 1-3). Saint Paul, quant à lui, va jusqu'à affirmer : « Si le Christ n'est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi » (1 Co. 15, 14). Oui, frères et sœurs, lorsque nous entendons des témoignages aussi brûlants, aussi directs, que devons-nous en conclure ? Les Apôtres ont-ils fait une vague expérience spirituelle ? Ont-ils été victimes d'une hallucination collective ? Ont-ils consommé des produits que la morale réprouve ? Ou bien nous ont-ils donné le témoignage de l'expérience extraordinaire qu'ils ont vécue et qui a embrasé toute leur vie : voir leur Seigneur et Maître investi de la vie nouvelle que le Père lui a conférée, le toucher de leurs mains, l'entendre leur parler, souffler sur eux pour leur donner l'Esprit, leur expliquer les Ecritures et leur rompre le pain. Frères et sœurs, si nous sommes ici, si nous sommes chrétiens, c'est parce que nous nous fions entièrement à ce témoignage, c'est parce que, sans avoir vu, nous savons que le Christ est à jamais vivant, c'est parce qu'Il a reçu, en notre chair, cette vie divine que rien n'arrête et qu'Il veut nous donner. Nous blasphémerions notre foi si nous édulcorions, pour la rendre apparemment plus acceptable, la nouvelle inouïe dont elle est porteuse : le Christ est ressuscité !
Dès lors, frères et sœurs, que nous croyons à cette Bonne Nouvelle, tout change ! Le Baptême que nous avons reçu et qu'ont reçu plus de deux mille personnes la nuit dernière en France est le moyen authentique par lequel le Christ nous associe à son triomphe. Pourquoi ? Parce que le Christ est vivant ! L'Eucharistie que nous allons célébrer nous donne authentiquement le corps et le sang de notre Seigneur, venu répandre jusqu'au fond de notre chair tous les dons de la vie éternelle. Pourquoi ? Parce que le Christ est vivant ! La prière que nous adressons quotidiennement à Dieu ne tombe pas dans le vide mais nous pouvons ouvrir notre cœur à la réponse mystérieuse qu'il nous fait. Pourquoi ? Parce que le Christ est vivant ! Nous pouvons reconnaître que nous sommes faibles, fragiles, pécheurs, mortels, sans aucune crainte et sans nous dissimuler bêtement. Pourquoi ? Parce que le Christ est vivant ! Nous pouvons prier pour nos chers défunts et les rejoindre dans la communion des saints : ils ne sont pas perdus à jamais. Pourquoi ? Parce que le Christ est vivant !
Oui, frères et sœurs, la Résurrection du Christ est notre triomphe et notre joie. Par elle, tout ce qui semblait nous menacer, la souffrance, le péché, la loi inexorable de la mort, a été brisé : le Christ n'a pas vécu sa Passion, son amour de son Père et de nous, sa filiation divine pour rien. Le Père Lui a répondu et Il l'a fait dans la chair humaine qu'Il partage avec nous. Le salut qu'Il nous apporte est donc plein, total et entier : il irradie chaque fibre de notre chair, elle aussi appelée dans le Christ à la résurrection. Alors, frères et sœurs, plus de crainte, ni de peur. A notre Dieu qui nous cherche avec tant de patience et de génie, qui nous crie depuis toujours « Où es-tu ? », répondons résolument, avec la force même du Christ : « Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté ! ». Allons-y comme nous sommes, sans nous déguiser ou nous grimer, sachant qu'il n'est pas une de nos faiblesses que Dieu ne veuille soulager, pas un de nos péchés qu'Il ne veuille pardonner, pas une de nos morts dont Il ne veuille nous relever. Débarrassons-nous des faux vernis et des éternités au rabais, présentons-nous à Lui comme nous sommes, aussi nus que le Christ pour être revêtus de la vie divine. Si nous le faisons, alors l'extraordinaire joie des Apôtres deviendra la nôtre et se lira sur notre visage, dans nos actes et nos paroles. Alors nous pourrons crier au monde à notre tour l'extraordinaire nouvelle : « Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! ».
Xavier Manzano